|
Les mines dans le monde
|
|
Bien qu'elles aient une préhistoire, les mines sont
nées au cours de l'entre-deux guerres, répondant à la nécessité d'organiser sur
des fronts étirés une action d'ensemble contre les blindés. C'est ainsi que
furent perfectionnés les premiers mécanismes explosifs déjà utilisés au cours
de la Première Guerre mondiale. Il s'agissait là d'engins dont l'explosion
était provoquée par une simple pression : passage d'un char pour les mines
antichar.
Les premiers essais eurent lieu en Allemagne à partir
de 1929, puis en 1935 un système complet était mis au point comprenant à la
fois des mines AC au sens strict du terme et des mines antipersonnel. Du côté
français, on s'efforça de doter l'armée de moyens équivalents qui devaient même
entrer dans les systèmes de défense de la fameuse ligne Maginot. Les Allemands
restèrent longtemps les maîtres incontestés dans le maniement des mines bien
que d'autres nations apprirent assez rapidement à manier ces engins. La
Mandchourie et l'Espagne entre-autres devinrent des terrains d'application pour
tester cette nouvelle arme. Mais aucun des pays, qui se lancèrent dans le
programme des mines et du minage dans les années trente, ni durant les
hostilités généralisées, n'avaient réellement songé à ce qui se passerait après
une bataille ou un conflit. En fait, les mines étaient faites pour exploser,
détruire et tuer pendant un conflit. Mais, hélas, après le conflit, elles
étaient toujours présentes, sournoises, prêtes à tuer ou blesser. Durant cette
période, les Allemand, dès 1936, ont cherché à confectionner des détecteurs,
suivis par les Polonais, les Français et les Anglais. Mais la neutralisation de
mines était loin d'être le souci principal des inventeurs. Si les mines avaient
été conçues pour nuire à l'ennemi, le déminage n'était même pas encore dans les
pensées.
Au delà de la menace directe qui pèse sur la population
locale, les mines terrestres engendrent d'énormes problèmes économiques et
sociaux. Elles entravent ainsi les efforts de reconstruction et de
réhabilitation des sociétés post-conflictuelles en perturbant le commerce local
et régional, en provoquant pénurie et inflation et en empêchant tout retour à
la stabilité économique.

Quelques
chiffres
- Plus de 119 millions de mines dans le monde ont
été éparpillées dans plus de 71 pays.
- Actuellement 15 pays sont paralysés par les
mines qui infestent leur territoire.
- Plus
de 80 pays,
sont aujourd'hui touchés, à des degrés
divers, par les mines terrestres et engins non-explosés.
- Chaque mois, on estime à près de 800 le nombre
de morts et 1 200 les blessés par mines.
- Toutes les 20 minutes, une personne est
grièvement blessée par mine.
- Il y a un amputé en moyenne pour 22 000
habitants dans le monde entier alors qu'au Cambodge, un amputé pour 384
habitants et en Angola, un sur 334.
- 61% des personnes blessées par mine au Cambodge
et 84% en Afghanistan se seraient endettées pour pouvoir payer leur
traitement.
- En Afghanistan, 87% des familles sont gênées
dans leurs activités quotidiennes par les mines.
- Les soins chirurgicaux et la pose d'une prothèse
coûtent environ 3 300 Euros (21 600 FF).
- Pour les 250 000 amputés que compte la planète,
le montant total des soins serait de 800 millions d'Euros.
- Une prothèse est remplacée tous les 6 mois pour un
enfant et tous les 3 à 5 ans pour un adulte.
- Un enfant blessé à l'âge de 10 ans et pouvant
espérer vivre encore 40 à 50 ans aura donc besoin au cours de sa vie de 25
prothèses.
- Une prothèse coûte environ 115 Euros (750 FF).
- 50% des blessés par mine meurent en moyenne dans
les minutes qui suivent l'explosion.
- Pour chaque mine enlevée, 20 autres sont posées.
- Le prix d'une mine antipersonnel se situe entre
3,2 Euros (21 FF) et 32 Euros (210 FF) mais les prix peuvent descendre de 1
à 10 Euros.
- L'enlèvement d'une mine coûte environ entre 320
Euros (2 100 FF) et 1 070 Euros (7 000 FF).
- En moyenne, pour 5 000 mines enlevées, il faut
compter 1 démineur tué et 2 autres blessés.
- Sans le problème des mines, la production
agricole pourrait être augmentée de 88 à 200%.
- Au cours des 25 dernières années, plus de 190
millions de mines ont été fabriquées avec une pointe dans les années 90 de
5 millions par an.
- Un peu plus de 100 sociétés dans près de 55 pays
produiraient plus de 360 mines antipersonnel différentes et 36
pays auraient exporté des mines.
- Il existe plus de 1 800 mines (antipersonnel, antichar, éclairante,
marine, fluviale, de coque, chimique, etc..), pièges et allumeurs différents
dans le monde.

Carte tirée d'un document du Comité International
de la Croix Rouge (C.I.C.R.)

|
Les dégats
des mines
|
|
Imaginez un morceau de sucre traditionnel qui pèse
environ 5 grammes. Cette "unité de
mesure" vous permettra de mieux évaluer la masse et le volume d'un
explosif et donc d'une mine antipersonnel (AP).
A titre d'information, si 2 grammes d'explosif (1/3
de ce morceau de sucre) vous explosait dans les doigts : le pouce, le majeur et
l'index seraient totalement déchiquetés.
Une mine italienne
antipersonnel, de type VS 50, avec 50 g d'explosif,
est placée sous une "Rangers" remplie de sable.


(Pointez
la photo pour voir le résultat de l'explosion)
NB : le poids
en explosif de cette mine est équivalent à 10 morceaux de sucre.
Les photos suivantes ont été prises sur un de mes
chantiers de déminage au profit de l'U.N.H.C.R. (Haut-Commissariat aux Réfugiés
des Nations Unies) situé près du village de Kapétanovici en République serbe de
Bosnie-Herzégovine (RS-BiH). La mission du groupe de déminage était de déminer
un chemin de montagne en pleine forêt pour permettre aux villageois l'accès à
cinq réservoirs d'eau et à une petite rivière. Le chef du groupe qui
travaillait sur ce chemin m'a appelé par radio pour m'annoncer une découverte
un peu spéciale : des petits ossements ainsi qu'une nouvelle ligne de mines
antipersonnel.

Au centre de l'image, une basket déchiquetée et sur la
gauche dans la zone rouge, une masse : une mine AP yougoslave de type
PMA-3.

Gros plan sur cette mine.

Gros plan sur le lieu de l'explosion.

Résultat du déminage : 4 mines
AP de type PMA-3 ont été relevées par les démineurs. La 5ème a explosé.
On trouve occasionnellement sur ces chantiers de
déminage des ossements d'animaux (chien, chevreuil, sanglier et même ours).
Soit l'animal marche sur une mine, soit il déclenche un fil piège d'une mine à
fragmentation ou bondissante. J'ai donc tout de suite pensé qu'il avait trouvé
les restes d'un cadavre d'animal. Mais en l'occurrence, il s'agissait
d'ossements humains : j'ai en effet retrouvé sur place une chaussure
déchiquetée et qui contenait encore des os.
La nouvelle de cette découverte fit le tour du
village et c'est ainsi qu'on vit arriver le propriétaire de la
chaussure..........en béquilles.


Les effets d'une mine
antipersonnel à effet de souffle
(Illustration provenant d'une brochure sur les
amputations et la chirurgie de guerre publiée par la division médicale du
C.I.C.R.)

|
Mais au fait, c'est quoi un explosif ?
|
|

On désigne sous le nom de
"substance explosive" tout corps ou mélange de corps susceptible,
sous l'effet d'une excitation appropriée, de se décomposer en donnant
naissance, en un temps très court, à un grand volume de gaz à température très
élevée.
L'excitation
peut être produite soit par une flamme, soit par
un choc plus ou moins violent, soit encore par une simple
friction.
Les
gazs dégagés par la décomposition
d'une substance explosive, ramenés à la
pression atmosphérique et à la température
ambiante, représenteraient un volume de 280
à 800 fois plus grand que celui
de cette substance elle-même, en fonction précisément
de la nature de cette substance.
La température est de
l'ordre de 2 600° pour de la poudre noire et de
3 200° pour la nitroglycérine.
L'expansion
brutale de ces gaz détermine des phénomènes
secondaires, calorifiques, sonores et lumineux.
L'ensemble
de ces phénomèmes constitue "l'explosion"

Le
terme général d'explosion étant
utilisé pour toute décomposition des substances
considérées, il a été décidé
d'adopter une terminologie différente suivant
le mode de l'explosion elle-même :
- La
combustion
- La
déflagration
- la
détonation
L'effet
pratique obtenu par un explosif déterminé
et par conséquence son utilisation propre dépendent
pour beaucoup d'un facteur très important : la
vitesse à laquelle se déplace le phénomène
explosif dans la masse de la substance. Pour exemple
:
- la
poudre noire : 7 cm à la seconde dans la
masse
- l'explosif
Mélinite : 7 km à la seconde
En
considérant cette vitesse, la décomposition
des substances peut prendre les formes nommées
ci-dessous.
La
combustion : elle s'observe lorsque,
enflammées à l'air libre, les substances
explosives ne font que brûler à une très
faible vitesse, la vitesse étant de l'ordre du
mètre par minute.
La
déflagration
: appelée parfois explosion, l'inflammation
est provoquée par une flamme ou un simple frottement,
bien que la vitesse de décomposition atteigne
dans ce cas l'ordre du mètre
à la seconde.
La
détonation : la réaction
est provoquée, en général, par un
choc brusque en un point quelconque de la substance
explosive et se propage instantanément. La décomposition
de la substance explosive s'effectue alors à
une vitesse qui est de 4 à
8 km seconde. L'onde de détonation ne
s'arrête d'ailleurs pas à la surface limitant
la matière explosive mais se propage à
l'extérieur que l'on appelle "onde
de choc".
Certaines
substances explosives peuvent prendre les 3 régimes
de décomposition, suivant les conditions dans
lesquelles s'effectue cette décomposition. C'est
le cas de la poudre noire.
Revenons
quelques siècles en arrière, disons au
temps des pirates ou de Napoléon pour résumer
:
- Prenons un tonneau en bois rempli de poudre noire. Répandons
la poudre au sol en une ligne continue et mettons-y le feu. La poudre noire
brûlera tout simplement de son point de départ à la fin de cette ligne,
lentement, tranquillement. C'est le principe de l'allumage à retardement d'une
charge explosive que l'on a pu voir lors de différentes batailles pour détruire
un pont, un mur, etc... et qui permettait aux sapeurs de Napoléon de quitter
rapidement les lieux avant l'explosion.
- Prenons cette même poudre noire et laissons la à
l'intérieur de son emballage d'origine.......le tonneau. Si l'on y met le feu,
la poudre noire explosera car elle est confinée dans son emballage. A l'époque,
les pirates, lorsqu'ils voulaient couler un bateau, empilaient plusieurs
tonneaux au fond de la cale, déversaient une ligne de poudre noire qui partait
des tonneaux et y mettaient le feu. La poudre se consumait jusqu'aux tonneaux et
les faisaient exploser provoquant ainsi une déflagration.
- Prenons cette même
poudre et confinons-la dans un tube comme dans le cas d'un système de
propulsion de missile. Si l'on fait exploser une charge au contact du tube, la
poudre noire prendra le régime de détonation.
En fait, la combustion serait une sorte de caresse que l'on prendrait
sur le visage, la déflagration serait une claque et la détonation serait un
coup de poing voir même un TGV en pleine vitesse.
|
Quelques récits
|
|
Lundi de pentecôte 21 mai 1945, l'armistice est signé
depuis 13 jours. Dans le village de Kogenheim, en Alsace, on parle déjà de
reconstruire les maisons bombardées et les paysans ont hâte de pouvoir
retrouver leurs champs et leurs prés. Trois civils, Pierre R. et deux de ses
copains décident d'occuper leur journée de congé à déminer les champs. Déjà la
semaine précédente, ils étaient arrivés à convaincre les adultes de les laisser
partir à la chasse aux explosifs. Rampant vers des taches où la terre devient
plus claire, ils grattent le sol et extraient des charges que le poids d'un
lapin aurait suffi à faire sauter. Ils avaient rassemblé toutes les mines afin
de les faire sauter en une seule fois. Les enfants du village s'étaient
rassemblés autour de ces 3 apprentis démineurs et les regardaient faire. L'un
d'eux dévissait les détonateurs lorsqu'une mine explosa accidentellement. Dix
enfants du village furent tués sur le coup, un enfant perdît une jambe et trois
autres les yeux. Pierre R. eut de la chance. Il venait de s'écarter de ses amis
au moment de l'explosion. Il s'en tira le corps noirci de poudre, les habits
volatilisés. Son père eut du mal à l'identifier.
On comprendra, devant de telles imprudences, la
volonté des autorités quelles qu'elles soient d'encadrer fermement toute
volonté ou tentative de déminage et l'envoi systématique d'équipes de déminage.
Des faits divers de ce genre ont toujours jalonné les après-guerre.
En Somalie, un paysan revient des champs. Il suit le
chemin qu'il parcourt d'habitude. Sous le pied d'un boeuf, une mine antichar
italienne de type SACI-54/7 explose. L'homme est tué, ses deux boeufs
aussi.
Au Cambodge, un homme âgé et son fils ramassent du
bois mort. Il tire une branche sèche d'une haie, une mine bondissante chinoise
de type TYPE 69 reliée à un fil piège explose. L'homme est tué et son
fils est grièvement blessé.
Au Mozambique, en manoeuvrant, un camion fait
exploser une mine antichar tchèque de type PTMIBA-3. Deux hommes sont
blessés. On alerte l'hôpital. L'ambulance qui vient chercher les blessés passe
sur une deuxième mine. Nouvelle explosion. Résultat : 2 morts et 4 blessés.
Au Koweït, un groupe d'ouvriers s'active au
déblaiement d'une artère. La pioche de l'un d'eux frappe sur un engin recouvert
de gravats. Explosion. L'auteur involontaire de l'accident est tué. Cinq autres
ouvriers sont blessés grièvement par l'obus de mortier yougoslave de
82 mm HE (explosif).
Au Kurdistan, un villageois et son chien se promènent
dans un champ. Le chien lève un lapin qu'il poursuit dans la haie. L'animal
déclenche une mine piquet soviétique à fragmentation de type POMZ-2M.
L'homme est tué.
Au Liban, trois enfants pénètrent dans une maison
sinistrée pour jouer. Un engin explose, 3 blessés dont un grièvement. Un des
enfants avait marché sur une planche sous laquelle était cachée une mine
antipersonnel israélienne de type n° 4.
En Bosnie-Herzégovine, une famille de 5 personnes décide
d'aller ramasser des champignons dans un bois. La mère trébuche sur un fil
piège d'une mine bondissante yougoslave de type PROM-1. La mère et un
des enfants sont tués, le père est grièvement blessé et les deux autres enfants
sont légèrement touchés par des éclats.
|
|